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Elles ont lutté contre l'esclavage : les reines du Fireburn - Sugarcanelane

Elles ont lutté contre l'esclavage

Mary, Agnes et Mathilda, Reines Flamboyantes des Îles Vierges

Femmes Rebelles

A Copenhague se trouve une sculpture unique en son genre, par sa dimension et par sa signification.

Une statue monumentale de 7 mètres de haut représente une femme aux pieds nus, assise sur ce qui pourrait bien être un trône. A sa main gauche, une torche. A sa main droite, une machette, de celles qui servaient à couper la canne à sucre.

Cette femme, c’est Mary Thomas. Elle a vécu à Sainte-Croix, dans l’archipel des Îles Vierges entre 1857 et 1905, à l’époque où elles appartenaient encore au royaume du Danemark.

Le site lui-même est symbolique : la statue fait face aux entrepôts, le West Indian Warehouse, où l’on stockait autrefois les marchandises — principalement sucre et rhum — en provenance des Antilles.

"Il faut un monument pareil pour lutter contre le silence, la répression et la haine."

Henrik Holm, conservateur à la National Gallery of Denmark

Une foule assiste à l'inauguration de la statue "I am Queen Mary" sur les docks de Copenhague
Inauguration de la statue "I am Queen Mary"; photo : Thorsten Altmann Krueger

Qui était donc Mary Thomas, plus connue sous le nom de Queen Mary ?

statue de 3 femmes dans un parc à Sainte-Croix, aux Îles Vierges
Statue des Fireburn Queens à Sainte-Croix

Sur les hauteurs de la ville de Charlotte Amalie à Saint Thomas, trois femmes de bronze défient un ennemi invisible.

Longues robes ceintes d’un tablier, blouses à manches longues, à leurs mains : une lanterne, un flambeau et une sorte de machette. Mary Thomas, Agnes Salomon, et Mathilda McBean sont les Three Queens of the Virgin Islands – les Trois Reines des Îles Vierges, héroïnes d’un des soulèvements les plus marquants de l’histoire de l’île.

Leur histoire ressemble à bien des égards à celle de Lumina Sophie, la Martiniquaise.

En 1878, 30 ans après l’abolition, les conditions de vies des anciens esclaves n’ont pas changé ou si peu. Les règlementations locales instituées par les planteurs perpétuent un esclavage qui ne veut pas dire son nom. Les descendants d’esclaves n’ont pas la liberté d’aller et de venir. Pour travailler et circuler dans l’île, ils ont l’obligation de présenter un passeport. Ils sont contraints de rester liés à une plantation par un contrat annuel qui prend fin au 30 septembre de chaque année.

C’est ainsi que le 1er octobre vint à être désigné comme le Jour du Contrat, seul moment dans l’année où les travailleurs avaient la possibilité de changer d’employeur. C’était également l’occasion de se réunir et célébrer cette journée de répit.

Les Emeutes du Fireburn

Ainsi, en ce 1er octobre 1878, des travailleurs des champs se rassemblent dans la capitale, Frederiksted, pour se réjouir et se distraire, et aussi pour protester contre les mauvaises conditions de vie et de travail. Ce n’est pas une manifestation, juste un regroupement de gens qui veulent passer un bon moment et qui forcément échangent sur leurs conditions de travail en ce Jour du Contrat.

Mais voici que la rumeur court qu’un travailleur aurait été tué par des soldats de l’armée danoise venue contenir la foule. La situation dégénère : la colère couvait déjà, et peut-être que le rhum que l’on boit à profusion ce soir-là a fait le reste. La foule se met à jeter des pierres aux soldats qui ripostent avec leurs fusils et finissent par s’enfermer dans un fort, imprenable.

La colère augmente. Voici que la foule s’en prend à la ville puis déferle vers les plantations alentours : c’est l’émeute.

Gravure du journal Illustreret Tidende datant de novembre 1878 et illustrant la révolte du Fireburn : une foule d'esclave s'attaque à une plantation de canne à sucre
Illustration des Révoltes de Sainte-Croix, Illustreret Tidende, Nov. 1878

La révolte du Fireburn est frappante par sa rapidité, l’intensité et la spontanéité avec laquelle elle est s’est propagée dans la foule, et de la foule dans la ville de Frederiksted.

Elle est aussi frappante par le rôle très affirmé des femmes, qui prendront la tête des hostilités et mèneront des expéditions punitives et incendiaires. Trois en particulier vont ressortir comme les héroïnes des émeutes : Agnes, Mathilda et Mary, la plus connue des trois. Mère de 3 enfants, elle a 40 ans, mais ses sœurs d’arme n’ont que 21 ans et mères, elles aussi.

En 4 jours, le gouverneur de l’île de Sainte-Croix reprend le dessus et on peut dire que le 15 octobre, l’émeute est éteinte. 

La répression du Fireburn et ses retombées

Les émeutes du Fireburn ont été un feu spontané fait de colère brute. Si on ne peut pas nier qu’il existait des revendications sociales et politiques, elles n’ont pas eu de porte-parole et d’ailleurs, ce n’était pas à l’ordre du jour. L’heure était à la répression, qui a été dure.

Au cours des émeutes, la moitié de la ville et une cinquantaine de plantations sont réduites en cendres. Plus de 100 travailleurs sont tués. Au vu de l’ampleur des dégâts et du nombre de morts, l’armée danoise ne déplore que la perte de deux hommes. Un propriétaire de plantation perd également la vie.

Dès le 5 octobre, 12 des émeutiers sont jugés puis exécutés, et 39 autres sont condamnés à mort et envoyés à Copenhague au Danemark. La plupart verront leur peine commuée en travaux forcés.

Mary, Agnes et Mathilda sont de ceux-là. Mary finira sa peine à la prison de Sainte-Croix dans les Îles Vierges avant de mourir en 1905.

Quant aux retombées pour les descendants d’esclaves, elles ont été maigres. En 1879, les termes du contrat de travail ont bien été revus, mais uniquement par les propriétaires des plantations. Les travailleurs n’ont pas eu droit au chapitre.

Ce que le Fireburn nous apprend

Statue "I am Queen Mary"
Le 31 mars 2018, les artistes Jeannette Ehlers et La Vaughn Belle, à l'origine de l'initiative, dévoilent la statue "I am Queen Mary"

Dates des abolitions de l'esclavage aux Antilles

  • 1er janvier 1838
    Colonies britanniques
  • 28 juillet 1847
    Îles Vierges
  • 9 octobre 1847
    Saint-Barthélémy
  • 22-27 mai 1848
    Martinique et Guadeloupe
  • 7 octobre 1886
    Cuba

L’émancipation des esclaves à travers les Antilles ne peut pas se résumer à une date. Abolition de l’esclavage ne signifiait pas la liberté.

Les esclaves n’ont pas attendu en soupirant l’avènement d’un bienfaiteur éclairé pour les libérer de leur sort. Il en a fallu des siècles de résistance passive et active pour déboucher sur des actes d’abolition, l’avènement inéluctable de la mécanisation à la fin du 19ème siècle qui rendra obsolète le modèle économique de l’esclavage, et des décennies encore pour être libre. Et du temps encore pour creuser dans les renfoncements de l’histoire à la recherche de nos reines.

Aux Antilles anglophones, on a coutume de décerner le titre de reine, aux femmes noires qui se sont illustrées par leur courage et leur rébellion. Un héritage de la lointaine Afrique sûrement. Mary, Agnes et Mathilda sont de grandes figures historiques dans les Îles Vierges et pourraient entrer dans le Panthéon caribéen s’il y en avait un — à inventer peut-être. La postérité et la reconnaissance de Mary sont allées au-delà des Antilles, puisqu’elles ont abordé les rivages de son ancien colonisateur, le Danemark, avec l’érection de la statue “I am Queen Mary” sur les docks de Copenhague.

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